Jean-Yves Chauve

En partenariat avec AG2R LA MONDIALE, découvrez la deuxième chronique hebdomadaire du Docteur Jean-Yves Chauve, médecin du Vendée Globe. Aujourd’hui, il nous parle de l'état d'esprit des marins à moins de deux semaines du départ.

Départ dans moins de 15 jours. Les skippers commencent à regarder la météo. Rien de très précis mais des tendances qui anticipent souvent la réalité. Inconsciemment, ils imaginent déjà le chenal des Sables, la foule sur les jetées, la ligne de départ, les premières bascules de vent du Golfe de Gascogne. C’est le moment de se ressourcer avant d’aborder des derniers jours sous haute tension. Certains partent quelques jours dans la famille, chez des amis, souvent loin de la mer, au calme. Ici, sur le village, la mise en condition est plus compliquée. Tant de personnes sont venues de si loin, difficile de ne pas leur parler. Paradoxe d’une vie de solitaire qui débute par le bain de foule obligé des admirateurs et des amis.

On a encore du temps pour contrôler la check-list, pour être sûr de ne rien oublier. Un des skippers y pense sans doute plus que les autres…. Flash back : 1ère étape de la Velux 5 Océans, Bilbao-Fremantle. Juste après le départ, l’angoisse. Le sac contenant polaires et vêtements chauds n’est pas à bord ! Pas d’autre choix que continuer. Trempé, frigorifié, sans rien pour se réchauffer, Bernard Stamm vit un véritable calvaire dans les latitudes glacées du grand sud. Mais cela ne l’empêche pas de gagner l’étape. Un véritable exploit !

Sur le plan médical, tout est calé, en mieux. L’accident de Yann Eliès lors de l’édition 2008, a montré que la pharmacie doit rester accessible même en cas de blessure grave. Désormais, les produits d’urgence sont rangés dans une trousse à portée de main. Selon le règlement, à moins d’un mètre cinquante de la porte d’entrée de la cabine. Impossible de la rater.

Le principal est réparti en une ou plusieurs boites stockées dans un endroit pratique, de préférence dans le fond du bateau, afin de limiter les écarts de température mal supportés par certains produits.

La dernière partie est incluse dans le « grab bag » contenant des éléments complémentaires à ceux du radeau de survie. Installée à côté de la trousse d’urgence, il suffit de s’en saisir au passage avant de grimper dans le radeau.

Visite des bateaux. Tout est en place, avec les étiquettes identifiant chaque médicament. Rien à dire. La formation médicale obligatoire y est sans doute pour quelque chose. Confrontés à des mises en situations conformes à la réalité de leur vie au large, ils ont intégrés combien cette préparation est indispensable pour agir vite et bien.

L’enseignement commence par le PSMer ou Premiers Secours en Mer. Il s’agit d’apprendre les gestes de réanimation, la lutte contre la noyade ou l’hypothermie. Chacun garde en mémoire, ces journées de janvier 1997, quand, au milieu de l’Océan Indien, Raphaël Dinelli voit son bateau se remplir d’eau, inexorablement. Réfugié sur le pont à moitié immergé, il doit se battre contre les déferlantes pour ne pas se faire éjecter. Son combat sous les rafales brutales, les bourrasques de neige et les gerbes d’eau glaciales dure plus de 30 heures. En vrai marin solidaire, Pete Goss, contre le vent et en pleine tempête, réussit à revenir sur sa position pour le secourir. Pas de téléphone satellite à l’époque, juste un genre de fax n’acceptant que quelques mots et, de plus, excessivement lent. Malgré tout, Pete me transmet une analyse suffisamment précise et concise pour que j’estime la température corporelle de Raphaël autour de 33°C, la limite… Par chance, Pete, ancien commando marine anglais connait les techniques de réchauffement d’une hypothermie et sauve Raphaël. Maintenant, chaque skipper possède les mêmes compétences.

Pour les tours du monde, plus de 20h supplémentaires sont nécessaires pour valider la Formation Médicale Hauturière. Immobilisation d’une fracture, utilisation des agrafes ou de la colle cutanée, protection d’une brûlure, communication médicale à distance, tous les événements de santé se doivent d’être évoqués et adaptés au contexte particulier de la course au large.

Anticiper, prévenir. La notion est essentielle au Vendée Globe comme dans la vie.

Dr Jean-Yves Chauve, avec AG2R LA MONDIALE

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